On appelle mobilier urbain les objets qui peuplent l’espace public, alors qu’ils ne sont en réalité pas mobiles. Ce terme désigne en réalité le caractère non immuable de ces objets, susceptibles de changer plus souvent que les édifices de la ville.
Le mobilier urbain est aujourd’hui capable d’évoluer dans le temps plus que dans l’espace. Il est à la fois non-permanent et fixe.
À Paris plus que dans la majorité des villes, le mobilier urbain joue un rôle prépondérant (notamment dans sa participation à l’image et l’identité de Paris) mais connait également un essoufflement réel (dans sa difficulté à se renouveler et à répondre aux évolutions des modes de vie et des usages dans l’espace public).
Serait-il possible alors de recharger la réflexion sur le mobilier urbain au travers de ces notions : celle de l’identité et de la permanence d’une part et celle des usages, donc des changements des modes de vie, des évolutions et de la mobilité d’autre part ?
Sur la question de l’identité d’abord, une question émerge : la notion de catalogue est-elle obsolète ?
Quand on regarde au-delà des procédures propres aux marchés publics, l’idée de catalogue en soi renvoie davantage aux logiques des marques de design qu’à l’esprit de la ville. Mais surtout, le catalogue d’une ville a tendance à figer considérablement (les marques actualisent d’ailleurs leur catalogue chaque année, ce que ne peut pas faire une ville).
L’objectif premier du catalogue est de garantir une identité en assurant une cohérence. Or, il parait plus intéressant de chercher à faire vivre cette identité, de la prolonger, de la rendre capable de se renouveler continuellement, de se transformer, là où le catalogue fixe inexorablement.
Il s’agirait peut-être de dégager une philosophie éclairante pour construire une culture plus qu’un catalogue. Si le mobilier urbain est non-permanent, il s’agit bien de le faire contribuer à construire une certaine durabilité de l’espace public. Réfléchir à l’identité et à la permanence de l’espace public parisien nécessite alors sans doute de construire et d’encourager la transformation d’une culture du mobilier urbain.
Plusieurs notions peuvent ainsi être utiles pour imaginer cette culture et sa capacité à s’adapter.
Certaines peuvent être listées, sans hiérarchie. Elles sont forcément à combiner et parfois contradictoires :
Sur la question des usages, on pourrait imaginer que le mobilier urbain s’adapte davantage aux changements des modes d’utilisation de l’espace public. En effet, au sein une culture vivante possédant une identité, ne pourrait-on pas imaginer une nouvelle aptitude du mobilier à être mobile ? Mobile au sens propre parfois, mais aussi, suivant les occasions, changeant, transformable, éphémère ou évolutif ? En somme mobile dans tous les sens du terme, mais bien évidemment pas toujours ni en tous lieux.
Si le mobilier urbain est aujourd’hui fixe, il est aussi figé.
Il est surement possible d’ouvrir de nombreux champs pour l’assouplir et mieux le connecter aux besoins actuels, par exemple :
Peut-être s’agirait-il aussi de construire des stratégies spatiales en fonction des échelles de la ville et de la taille des espaces publics et des quartiers. Conférer de la « mobilité » au mobilier urbain nécessite probablement de ne pas se concentrer seulement sur quelques espaces ni quelques moment (un lieu et un moment donnés pour une occasion spéciale, un festival…), et de provoquer plutôt des opportunités variées. Il serait par exemple intéressant de permettre, au sein d’un mobilier majeur (robuste, répétitif…), des pièces uniques, un mobilier ultra spécifique, singulier, provoquant des surprises etc… Pourrait-on imaginer un mobilier urbain qui peu à peu étende son champ d’aptitude et devienne réellement mobile, sans que cela ne le déconnecte d’une identité forte, sans que cela ne produise une gigantesque collection hétérogène ?
Article de Pierre Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler, publié dans Mobilier urbain à Paris – 10 Evolutions récentes, Direction de l’Urbanisme de la Mairie de Paris, 2013.